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Masterclass - Xavier Beauvois - VF

Dimanche 3 octobre 2010, rencontre avec Xavier Beauvois au Forum des Images, animée par Pascal Mérigeau. C’est une de ses marottes, “que grâce au talent des acteurs, de tous les techniciens, le film soit meilleur que celui que le réalisateur a en tête”. Pour cela, dit-il encore, “il faut mépriser son propre scénario, le mépriser au tournage, le mépriser au montage”. D’un bloc, Xavier Beauvois. Et tendu à l’extrême, écorché vif, tel que voici près de vingt ans on le découvrit dans Nord, son premier film, entre portrait et autoportrait, entre un père méprisé et une mère victime, acteur déjà, révélation d’un talent à l’état brut que depuis il n’a cessé de mettre en jeu, sans chercher à le polir, surtout, en maintenant le cap qu’à lui-même il s’est donné. Ce fils d’un préparateur en pharmacie et d’une prof’ d’enseignement technique tourne peu, un film tous les cinq ans en moyenne, et pourtant il tourne beaucoup, comédien dans ses propres films parfois, chez Catherine Corsini, Jacques Doillon, Benoît Jacquot et pas mal d’autres : “Rendez-vous compte, moi qui allais voir leurs films depuis toujours, j’ai été l’amant de Catherine Deneuve (dans Le Vent de la nuit de Philippe Garrel) et j’ai cassé la gueule à Alain Delon (dans Le Jour et la Nuit de Bernard-Henri Lévy)…”



Qu’il dessine le portrait d’un homme en fuite, drogue, sida, passion amoureuse (le sublime N’oublie pas que tu vas mourir, 1995), qu’il parte du témoignage d’une ouvrière d’usine virée parce qu’elle ne parvient pas à arrêter de fumer, qui se retrouve à peindre des cendriers en céramique, dont il fait un ouvrier et dont il raconte l’histoire du fils, sous les traits de Benoît Magimel (Selon Mathieu, 2000), ou qu’il plonge le spectateur dans l’enfer de la police, avec au passage un coup de force dramatique insensé (Le Petit Lieutenant, 2005), Xavier Beauvois taille une route qui lui ressemble, qui n’appartient qu’à lui et qui vient de le conduire là où personne, pas même lui peut-être bien, ne l’attendait, dans le secret des moines de Tibhirine (Des hommes et des dieux, Grand Prix du jury au dernier Festival de Cannes, dans les salles le 8 septembre).


La rage qui nourrissait la colère et l’énergie de ses premiers films n’a pas quitté l’homme de quarante-trois ans qu’il est aujourd’hui, qui insiste pour dire qu’il n’est “surtout pas un intello” et qu’il n’entreprend ni ne fait rien que “dans l’instinct”.

C'est lors d'une conférence à Calais que Xavier Beauvois, passionné de cinéma alors en classe de terminale, rencontre Jean Douchet, critique et cinéaste respecté. Ce dernier lui donne une chance de s'extirper du milieu ouvrier auquel il semble promis en l'invitant à Paris et en l'encourageant à s'engager dans le cinéma. Beauvois déclarera plus tard : "Le cinéma m'a sauvé la vie ! (...) Ce n'est même pas un métier, c'est une passion. Quand je pense à mon enfance, là d'où je viens, à ce que j'aurais pu faire là-bas... Ce n'était pas possible, il fallait que je sorte de là..."


Il débute en assistant réalisateur avec André Techiné sur Les Innocents, et Manoel de Oliveira pour Mon cas, avant de faire ses premières armes de réalisateur avec un court-métrage, Le Matou (1986). Il franchit le pas du long-métrage trois ans plus tard avec Nord, où il évoque le Pas-de-Calais à travers la désintégration d'une famille incapable de communiquer.


Après un séjour à la Villa Médicis, lieu de résidence et de travail pour artistes sous la tutelle du Ministère de la culture, il réalise en 1995 N'oublie pas que tu vas mourir, chronique désenchantée et romantique d'un étudiant apprenant sa séropositivité, qui lui vaut le Prix Jean Vigo et le Prix du Jury au Festival de Cannes. Acteur à l'occasion, notamment pour Michel Deville (Aux petits bonheurs, 1994), Jacques Doillon (Ponette, 1996) et Philippe Garrel (Le Vent de la nuit, 1999), il signe en 2001 Selon Matthieu, avec Benoît Magimel et Nathalie Baye. Il offre à cette dernière l'un des deux rôles principaux du Petit lieutenant (2005), celui de Vaudieu, commandant de police alcoolique et mentor de Jalil Lespert dans un drame policier âpre aux accents documentaires. Et, c'est tout naturellement que lorsque le comédien réalise son premier long métrage (24 mesures, 2007), il lui offre le petit rôle du patron du peep-show.


En tant qu'acteur, Xavier Beauvois est fidèle à ses réalisateurs. Ainsi, on peut le voir trois fois chez Jean-Paul Salomé (dans Arsène Lupin, Les Femmes de l'ombre et Le Caméléon) et deux fois chez Benoît Jacquot (dans Villa Amalia et en Louis XVI dans Les Adieux à la reine). Toujours dans des petits rôles, il se glisse en 2011 dans la peau de personnages secondaires mais marquants pour les besoins de L'Apollonide - souvenirs de la maison close et De bon matin (le patron sadique de Jean-Pierre Darroussin, c'était lui !). L'année suivante, il est le meilleur ami de Jean-Paul Rouve dans le deuxième film que le comédien met scène, l'émouvant Quand je serai petit.


Côté mise en scène, l'année 2010 marque à la fois une consécration et un tournant décisif dans sa carrière. En effet, cinq ans après son dernier film, Xavier Beauvois revient à la réalisation en présentant au Festival de Cannes Des hommes et des dieux, dans lequel Lambert Wilson et Michael Lonsdale interprètent les membres éminents des moines de Tibhirine, retrouvés assassinés en 1996 en Algérie. Succès monumental, tant critique que commercial (plus de 3 millions d'entrées sur le territoire français), le film obtient le Grand Prix du Jury et, plus tard, le César du Meilleur film.


Après ce triomphe, le réalisateur adapte un fait divers survenu dans les années 70 : deux hommes décidant de voler le cercueil de Charlie Chaplin, dans le but de demander une rançon à sa famille. Benoit Poelvoorde et Roschdy Zem prêtent leurs traits à ces deux malfrats, dans un film intitulé La Rançon de la Gloire.


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