Jean-Claude Brisseau "Mon seul orgueil dans mes films, c’était d’essayer de montrer des trucs
- Rédaction
- 17 juin 2017
- 4 min de lecture
À l'occasion de la cinquième édition du festival International du Film Restauré, le cinéaste Jean-Claude Brisseau venait présenter à une salle comble ses deux premiers films (un court, un long), Des jeunes femmes disparaîssent (1976) et La croisée des chemins (1975), premier long métrage du cinéaste. C’était en 1975 et le film fut tourné en Super 8. C’est dire à quel point faire du cinéma a été, très tôt, pour l’auteur de Noce blanche plus qu’une simple obsession, un impératif, une évidence pure. Ici, la sobriété extrême des moyens non seulement n’empêche pas le cinéaste de tenter d’atteindre les hauteurs les plus élevées de la métaphysique mais y contribue sans le moindre paradoxe. La pauvreté est, en effet, le pur vecteur d’une sorte de grâce tout autant que d’une mélancolie extrême, fatale. Le titre du film renvoie au parcours de son personnage principal, une lycéenne, incarnée par la douce Lisa Heredia, aspirée à la fois par la révolte, le désir et la mort. La lente et subtile imprégnation du surnaturel y est l’expression la plus littérale de cette inversion nietzschéenne : « Quand tu regardes l’abime, l’abime regarde en toi », affirmation à laquelle Brisseau retire toute valeur simplement métaphorique pour la prendre au pied de la lettre. « Un chef d’oeuvre absolu, un des films les plus beaux que j’ai pu voir depuis longtemps », selon Jean-François Rauger qui programme le film.
« Ces deux films n'étaient pas destiné à être projetés. J'ai fais mon premier film en 1975 à la sortie des caméras sonores. Je me suis rué dessus. Et finalement, ce film c'est le résultat de plusieurs semaines de vacances entre amis. Ce film c'était pour nous, essentiellement pour moi. J'essayais de faire un film un petit peu comme les impressionnistes faisaient en peinture. une tache bleu et une tache jaune à côté pour que de loin ça fasse vert. J'ai fais la même chose en juxtaposant des séquences. J'écrivais les dialogues pour me marrer. On tournait en une prise parce que c'était trente balles les trois minutes de pellicule. Et je n'avais pas un seul rond à cette époque la. Pour tout vous dire quand Rohmer est venu chez moi pour voir le film, j'ai du lui faire attendre la tombée du jour parce que je n'avais pas de rideau ! Donc je suis surpris que ce film soit projeté. Car je le répète, ce n'était pas fait pour ça. Enfin, tout est relatif, c'était quand même fait pour être un film »

"Mon seul orgueil dans mes films, c’était d’essayer
de montrer des trucs que les autres n’avaient pas fait"
Enfant, le lundi matin à l’école vous rêviez du film que vous aviez-vu la veille…
Oh ! Vous avez vu le petit film de deux minutes que j’avais fais sur moi, pour changer (rire). Ça c’est quand j’étais enfant. Et puis d’ailleurs, même adolescent, jusqu’à treize ou quatorze ans, je faisais ça. Puis après je n’en parlais plus. Mais c’est vrai que pendant toute mon enfance à l’école, je rêvais de cinéma. Des films que j’allais voir ou que j’avais vu.
Vous dites ne jamais avoir écris un film pour un acteur excepté Sylvie Vartan, pourquoi ?
Ce n’est ni vrai, ni pas vrai. En général quand j’écris un scénario je ne pense pas aux comédiens qui vont jouer dedans. Un jour j’ai eu envie de faire un film avec Sylvie Vartan et Vanessa Paradis, puis finalement ça ne s’est pas fait. Mais Sylvie, je voulais absolument l’avoir dans un de mes films. Elle avait déjà échappé à trois productions à cause de Johnny Halliday. Pierrot le fou, les parapluies de Cherbourg et la vie de château, qui avait à la basé été écrit pour elle. Et elle n’a jamais reçu les scénarios parce que comme Johnny était jaloux, il les a piqué et les a gardé. Il a même dit que c’était son agent qui les avait volé, ce qui est totalement faux.
L’Ange noir est le film que vous avez réalisé qui vous intéresse le moins. Mais du coup, quel est le film qui vous intéresse le plus dans votre filmographie ?
Aujourd’hui, celui qui m’intéresse le moins c’est Noce Blanche. Mon plus gros succès. Même si maintenant avec le recul je me dis qu’un mélo qui tient plus de trente ans ça ne court pas les avenues. Mon seul orgueil dans mes films c’était d’essayer de montrer des trucs que les autres n’avaient pas fait, en étant discret. C’est-à-dire sans souligner par quatre traits de crayon les audaces au niveau de la narration que je pouvais prendre dans mes films. Ce qui a été difficile dans Noce Blanche, c’est le fait d’avoir essayé une fausse fin. Ce que j’appelle une « fausse fin » c’est les films à grosse bête dans lequel vous croyez qu’elle est morte mais réapparait. Et la c’est exactement ça : on pense que la petite Paradis est morte mais en fait elle revient. Et comme ça, comme on ne s’y attend pas, on cueille un peu le public. Mais le gros problème, c’est qu’il faut que ce soit vraisemblable il ne fallait pas rejeter cette fausse fin. Il fallait que la petite Paradis dont on ne sait pas si c’est une gentille ou une salope, qui s’avère être vraiment gentille à la fin, soit dirigée d’une certaine manière. Et pour revenir à l’Ange Noir, c’est un film qui m’intéresse beaucoup finalement. Je trouve d’ailleurs qu’il y a deux ou trois formules qui peuvent renvoyer à la société, à la politique que l’actualité me permettrait d’utiliser facilement.
Dans « La croisée des chemins », la jeune fille dit justement à un moment que sa mère ne s’intéresse à rien mis à part sa politique. On pourrait réutiliser cela facilement en ce moment…
Vous savez, à une époque j’avais des responsabilités syndicales et je voyais beaucoup d’hommes politiques. A gauche essentiellement, au parti communistes. Et c’était ça. Totalement ça. Et pourtant je parle d’hommes de gauche. Et alors aujourd’hui n’en parlons pas. N’en parlons pas (rires).
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