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[TALK SHOW] CONVERSATION AVEC LOLITA PILLE

 

TALK SHOW • LIVRES

VENDREDI 4 OCTOBRE 2024

STUDIO KREMLIN • 21h

 

Vendredi 4 octobre prochain, Lolita Pille sera l’invitée de Léolo Victor-Pujebet et Mathieu Morel, à l'occasion de leur talk-show en partenariat avec LA KOLOK, organisé au Studio Kremlin. Un événement ouvert au public, dans la limite des places disponibles.


Peut-on encore parler d’identité lorsqu’elle se fond entièrement dans les apparences, lorsque l’être s’estompe sous le poids de l’image sociale ? Cette question hante l’œuvre de Lolita Pille, dont les romans dépeignent des personnages errant dans un monde saturé de simulacres, où chaque geste semble dicté par des injonctions extérieures. Lors de notre première rencontre, l’autrice reconnaissait que l’image projetée à la sortie de Hell avait créé un fossé entre la fiction et sa propre réalité intérieure : « Ce personnage, je l’ai traîné pendant des années. Je devais l’exorciser pour exister à nouveau, autrement. » Ce besoin de se libérer d’une identité imposée par le succès littéraire et médiatique rejoint l’une des thématiques centrales de son œuvre : la lutte incessante entre l’être et l’apparence, entre l’authenticité et la superficialité imposée par la société.






Lolita Pille : L’abîme de l’être sous le règne des apparences


Dans Hell et Bubble Gum, Lolita Pille pousse cette réflexion à l’extrême, en mettant en scène des personnages incapables de s’extraire de la vacuité qui les entoure. « On vit... comme des cons. On mange, on dort, on baise, on sort. Encore et encore. Et encore... chaque jour est l'inconsciente répétition du précédent : on mange autre chose, on dort mieux, ou moins bien, on baise quelqu'un d'autre, on sort ailleurs. Mais c'est pareil, sans but, sans intérêt. On continue, on se fixe des objectifs factices. Pouvoir. Fric. Gosses. On se défonce à les réaliser. Soit on ne les réalise jamais et on est frustré pour l'éternité, soit on y parvient et on se rend compte qu'on s'en fout. Et puis on crève. Et la boucle est bouclée. », écrit Hell, résumant d’une tirade l’angoisse existentielle qui traverse le roman. Mais cette vacuité n’est pas simplement une critique de la consommation ou du cynisme de la jeunesse dorée ; elle est l’expression d’une impossibilité de l’être dans un monde où tout, jusqu’au désir, est préprogrammé. Les personnages de Pille croient maîtriser leur vie, mais en réalité, ils ne font que rejouer des scénarios qui ne leur appartiennent pas, prisonniers d’un cycle infini de jouissance sans satisfaction. L’autrice évoquait cette mécanique implacable en soulignant que ses personnages sont « des marionnettes, piégés dans un scénario qui n’est pas le leur. » La perte de soi devient alors inévitable, non pas par soumission volontaire, mais parce que toute tentative d’échapper à ce système est déjà compromise.


Cette idée d’une modernité où l’être se dissout dans l’image n’est pas sans rappeler les réflexions de Jean Baudrillard dans Simulacres et Simulation, où la réalité elle-même est absorbée par l’apparence. Hell, dans cette logique, n’est qu’un simulacre, une figure vide de toute substance, qui erre dans un monde où l’authenticité est devenue une chimère. À travers cette héroïne, Pille ne se contente pas de décrire la superficialité ; elle interroge les conditions mêmes de la possibilité de l’être dans un univers où tout est spectacle. La quête de transcendance par l’excès, que Hell entreprend, n’est qu’une illusion, une fuite en avant dans un espace où chaque action est prédéterminée. Cette boucle infinie, où l’individu tente de fuir sa propre vacuité en s’enfonçant dans l’excès, rappelle l’idée nietzschéenne de l’« éternel retour », mais ici vidé de toute possibilité de dépassement. Le cycle n’est plus un acte de résistance, mais un piège qui se referme sur lui-même.


Le corps comme dernier rempart de l’aliénation


Si l’aliénation de l’être passe par le prisme de l’image, c’est dans le corps que cette lutte se cristallise de manière la plus visible. Dans Bubble Gum, Lolita Pille aborde la question de la chirurgie esthétique, non pas simplement comme un phénomène social, mais comme le dernier espace où se joue la quête impossible de contrôle sur soi-même. Le corps, modifié, remanié, devient un objet malléable, soumis aux exigences d’une société où la perfection est à la fois un but et une impossibilité. L’autrice décrit cette quête comme une servitude volontaire : « Ils croient qu’en changeant de visage, ils vont changer de vie. Mais le miroir ne fait que les emprisonner davantage. » Le paradoxe, ici, est que plus les personnages tentent de maîtriser leur apparence, plus ils se perdent dans une logique d’aliénation qui les dépasse.


Alors dans cette quête désespérée de contrôle sur son propre corps, Lolita Pille révèle une angoisse profonde, celle de l’impossibilité d’accepter une identité stable dans un monde où l’image est constamment redéfinie par des forces extérieures. Ce corps transformé devient à son tour une surface, une façade, vidée de toute profondeur. Chaque geste de modification, loin de libérer, renforce l'emprise du regard social. Le corps, loin d’être un espace de liberté, devient un champ de bataille où l’individu, en quête de perfection, finit par s’effondrer sous le poids des normes. Le contrôle, que l’héroïne de Bubble Gum croit exercer sur elle-même, n’est qu’une illusion qui, en réalité, ne fait que la lier plus étroitement à la logique du marché. Cette analyse rappelle les réflexions de Michel Foucault sur le biopouvoir, où le contrôle du corps est une manière d’exercer une domination sur l’individu, non pas par la contrainte physique, mais par des mécanismes de normalisation et de discipline.


Ce processus de réification, déjà analysé par Simone de Beauvoir dans Le Deuxième Sexe, est ici exacerbé par la modernité capitaliste. Le corps féminin, dans cette société de consommation, n’est plus seulement un objet de désir, mais un produit à transformer, à marchander. Pille souligne que, bien que les outils aient changé, nous ne faisons que répéter les dynamiques patriarcales de contrôle du corps, mais avec des moyens plus sophistiqués. Le paradoxe réside dans cette quête de libération par la transformation : plus l’individu se modifie, plus il se rapproche d’un idéal insaisissable qui le réduit à un état de servitude. Le corps, loin de se constituer en lieu de résistance, devient le théâtre d’une dépossession, chaque tentative d’appropriation se dissolvant dans les mécanismes mêmes dont il espérait s’émanciper.


L’écriture comme dernière issue : une quête incertaine de rédemption


Si Hell et Bubble Gum sont marqués par une aliénation totale, les œuvres plus récentes de Lolita Pille laissent entrevoir une possible issue, une rédemption, certes fragile, mais réelle. Cette rédemption ne passe pas par une transformation radicale de l’être ou du corps, mais par la réappropriation du temps et de l’écriture. L’autrice décrit l’écriture comme l’espace ultime où l’individu peut, enfin, tenter d’échapper à la tyrannie de l’instant, de l’image et de la consommation. Pourtant, même cet espace est menacé. « À un moment, il n’y a plus que l’écriture qui te reste. Tout le reste t’échappe », exprimait-elle avec une certaine résignation.

La décision de Lolita Pille de s’éloigner de la scène littéraire pendant plusieurs années n’était pas une pause, mais un acte délibéré de résistance aux diktats de la productivité. En se détournant de la frénésie parisienne, elle a embrassé un temps long, un espace méditatif où la création se redéploie, loin des urgences modernes. La lenteur devient alors, pour Pille, une posture existentielle, une manière de contrer l’effacement de l’être sous l’injonction à la vitesse.. « J’ai passé des mois à lire Hegel, parfois trois mois sur un seul chapitre », disait-elle, révélant ainsi un retour à une pensée plus méditative, opposée à la rapidité aliénante du monde contemporain.


Cependant, cette quête de rédemption par l’écriture reste incertaine. Peut-on vraiment échapper aux logiques commerciales qui récupèrent tout, même l’art le plus sincère ? L’écriture, bien qu’elle représente un espace de liberté, est toujours en danger, constamment menacée d’être transformée en produit. C’est cette tension, entre la liberté créatrice et la contrainte extérieure, qui traverse toute l’œuvre de Lolita Pille. L’écriture, chez elle, n’est jamais un refuge totalement sûr ; elle est un espace de résistance fragile, où l’individu lutte pour maintenir un semblant d’autonomie face à des forces qui cherchent sans cesse à le contraindre.


Helena et les joueuses et Adolescente : quête de l’invisible et la désintégration de l’être


Dans Helena et les joueuses et Adolescente, Lolita Pille poursuit son exploration de l'identité comme un terrain de tensions et de ruptures, où l’individu oscille entre le visible et l’invisible, entre la surface et l’abîme. Dans Helena et les joueuses, le jeu n’est plus simplement une échappatoire, mais un simulacre d’émancipation, une ruse qui révèle l’irréductibilité des structures sociales. Helena, à la fois actrice et spectatrice de ce théâtre de la manipulation, n’est ni complètement soumise, ni pleinement maîtresse de son destin ; elle se tient au seuil, là où le jeu devient la métaphore d’une lutte intérieure, sans véritable issue. Pille fait de ce jeu un acte de transgression éphémère, une tentative de suspendre l’ordre du monde, mais qui, inévitablement, rappelle l’échec fondamental de toute tentative de se soustraire à l’aliénation. Ici, la liberté ne se conquiert jamais entièrement : elle s’efface à l’instant même où elle se déploie, comme un mirage dans le désert de la modernité.

Avec Adolescente, Lolita Pille plonge encore plus profondément dans l’intériorité de la transformation, là où le corps et l’esprit sont en proie à une métamorphose violente, douloureuse, qui déstabilise l'être au cœur même de sa construction. L’adolescence, sous la plume de Pille, est une épreuve quasi métaphysique, un moment où l’individu doit choisir entre l’assimilation à des modèles imposés et la création d’une subjectivité propre. Mais peut-on réellement se forger une identité dans un monde où la norme est omniprésente, où la construction de soi est sans cesse menacée par les images que l’on doit incarner ? « La forêt, comme la haine, mène à des carrefours en forme d’étoiles dont partent des chemins isolés qui aboutissent, les uns à la poésie, les autres au suicide », écrit Pille, traduisant ainsi la radicalité de cette quête identitaire. Adolescente ne se contente pas de montrer une jeune fille en mutation ; il décrit un processus où la dissolution dans l’image et la révolte intérieure coexistent, où la disparition devient une forme de résistance, aussi paradoxale soit-elle.


Une identité toujours en quête


L’œuvre de Lolita Pille interroge avec acuité la faisabilité d’une réinvention de soi dans un univers où chaque mouvement, chaque décision semble prédéterminé par les structures invisibles qui régissent l’existence. À travers les voix de ses personnages, l'autrice sonde les mécanismes insidieux de l’aliénation contemporaine, dans lesquels le corps et l’esprit se trouvent pris dans l’étau de la marchandisation et du contrôle social. Pourtant, au cœur même de cette aliénation quasi-totalitaire, l’autrice laisse poindre de subtiles ouvertures, des interstices fragiles où l’individu, dans un sursaut peut-être dérisoire mais nécessaire, pourrait entrevoir la possibilité d’une libération incertaine.


Peut-on encore espérer une réinvention de soi dans un monde où l’image domine tout, ou sommes-nous condamnés à répéter inlassablement les mêmes gestes, les mêmes illusions ? Cette question, que Lolita Pille ne cesse de poser, reste ouverte. Elle traverse toute son œuvre, tout en laissant entrevoir une quête toujours en mouvement, à la lisière de l’effondrement et de la réinvention.


 

Dans cette conversation, Lolita Pille plongera dans les mécanismes profonds de son écriture, dévoilant comment l'image devient à la fois un instrument d’aliénation et une stratégie de résistance. En explorant la dialectique de la putasserie – de la honte à l’émancipation – et la notion de « masque » dans l’esthétique féminine, l'autrice interrogera la tension entre être et apparaître, entre la mélancolie et la révolte. La discussion s’étendra également à l’influence de la littérature dans la construction de soi, notamment à travers le concept de « l’instant fatal » où tout bascule.


L’autrice évoquera aussi le rôle du temps et de l’étude dans son processus créatif, révélant comment la réflexion et la lenteur nourrissent son œuvre face aux contraintes de la modernité.


 

[TALK SHOW] CONVERSATION AVEC LOLITA PILLE

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